Michel Jobert a écrit plusieurs romans. Vous pouvez consulter des extraits de certains d’entre eux juste ici !
La Vie d'Hella Schuster :
(1980)
« Elle était belle et nul n’aurait pu être tenté de dire qu’elle était encore belle, tant la fascination qu’elle exerçait et la distance qu’elle établissait entre ses interlocuteurs et elle-même échappaient à l’explication simple, et paraissaient inaltérables. Son visage et son maintien, certes, la désignaient à la flatteuse appréciation des regards. Mais ils n’étaient rien dans le sentiment confus et irrésistibles qui attirait les uns et les autres vers Hella Schuster et effrayait les autres. Sur chaque grain de son visage, dans chaque geste, dans son regard mobile ou bien arrêté, dans sa transparence, s’inscrivait l’âme d’Hella, diabolique pour ceux-ci, magnifique pour d’autres. »
Les Vandales :
(1980)
(1980)
Au début du Ve siècle, en 406, un petit peuple venant de l’est franchit le Rhin. Il avait quitté son territoire – la Hongrie d’aujourd’hui -, poussé par d’autres peuples germaniques de l’Orient, qui eux-mêmes étaient refoulés par de grandes migrations jaunes d’Asie centrale. Jadis, il avait glissé de la Scandinavie et de la Baltique vers la Mer noire et la Caspienne. Maintenant il chevauchait vers l’ouest pour essayer de survivre. En deux années, il traversait la France, tentait de se fixer dans le nord de l’Espagne, en Galice. Mais d’autres Germains, les Wisigoths et les Suèves, associés à l’Empire romain moribond, le rejetèrent en Andalousie. Il était condamné à disparaître: une partie de ce peuple y fut anéantie. Les autres, menés par un roi d’exception, eurent l’audace d’embarquer pour lAfrique, puis de cheminer jusqu’à Carthage d’où ils chassèrent les Romains. Ils s’établirent là et contrôlèrent la Méditerranée occidentale. Ils durèrent un siècle. Puis, vaincus par Byzance, ils disparurent. Presque toute trace d’eux est effacée. Ils s’appelaient les Vandales.
La rivière aux grenades :
(1980)
(1980)
« Souvent, il avait traversé l’Oued, ici ou là, comme tant de visiteurs de sa vie que rien n’avait tenus ensemble, sinon la fugitive vision de la rivière aux Grenades. Aujourd’hui, en suivant continûment l’eau qui s’accélérait à peine, glissant d’un bassin à l’autre, une grande joie lui venait; l’unité de sa vie lui était enfin restituée par ce modeste parcours… » « Comme l’Oued, il avait accepté de disparaître dans l’accumulation des eaux chuchotantes, dans l’accumulation des vies dispersées. Il regarderait la rivière aux Grenades mêler son flot médiocre et bourbeux à l’Oued R’Dom plus bourbeux encore, mais puissant. A Mehedya, au bout du voyage, sur l’Atlantique, ayant grossi à peine le fleuve Sebou, ils retrouveraient peut-être le souvenir d’un enfant d’autrefois. »